La socialisation du chiot futur partenaire d’intervention

 

Pour faire suite à mon précédent article ayant pour sujet la sélection d’un chien partenaire d’intervention en zoothérapie (ou médiation par l’animal), je vous présente maintenant les étapes par lesquelles le chiot devra passer pour devenir un chien partenaire d’intervention. Il s’agit ici de vous élaborer le plus simplement possible les composantes décisives favorisant le développement de l’animal lors d’une période déterminante : la socialisation. Pour ce faire, nous prendrons connaissance des attentes, du développement, des apprentissages, des interventions, de l’éducation et des réelles capacités de l’animal.

Les comportements souhaités chez le chien partenaire à l’âge adulte 

Lorsqu’un chien collabore avec nous dans le cadre d’une intervention auprès d’une personne en besoin, l’animal doit détenir certaines compétences spécifiques qu’il aura acquises pendant son entrainement. Bien que celui-ci a été sélectionné pour ses caractéristiques et ses aptitudes, certains comportements seront attendus sur le terrain. En voici quelques-uns :

Au travail, le chien partenaire…

  • Est capable d’autocontrôle et d’adaptation;
  • Fait confiance à l’intervenant;
  • Se réfère à l’intervenant au besoin (regard);
  • Connait son rôle en intervention (attentif, concerné, participatif, etc.);
  • Apprécie la proximité d’inconnus;
  • Utilise l’évitement en cas de stress;
  • Fait une bonne évaluation cognitive des situations;
  • Extériorise l’intensité des situations (communication, déplacements, mouvements, etc.).

En revanche, d’autres comportements peuvent devenir nuisibles en intervention comme un chien qui démontre :

  • De l’agressivité (fixe, gronde, dents à vue, fonce vers…, mord, etc.);
  • De la peur (évitement, tremblements, hypersalivation, etc.);
  • De l’agitation incontrôlable (vocalisations, multiples déplacements, etc.);
  • Des vocalisations dirigées vers les personnes en présence;
  • Inhibition exagérée de comportements (se ferme à l’environnement);
  • Marquage urinaire dans le milieu d’intervention.

À la lecture de ces points, vous comprendrez que ce ne sont pas tous les chiens qui sont faits pour ce travail et qu’il est primordial d’en demeurer conscient. Tout dépendra de la génétique de l’animal et de l’environnement dans lequel il baignera. Il faudra donc miser sur des étapes importantes et demeurer patient jusqu’à la maturité du chien pour savoir s’il détiendra les capacités et la volonté d’accompagner son humain dans cette fonction.La socialisation du chiot, futur partenaire d’intervention : une étape cruciale!

Le développement du chiot

À la suite de la naissance du chiot s’en suivront différentes phases où des changements caractériseront chacune d’elles. Selon son âge, il prendra contact avec sa mère, ses frères et sœurs, puis avec son environnement. Bien que la génétique et les compétences maternelles de la mère soient importantes, le milieu jouera également un rôle déterminant dans l’acquisition d’apprentissages irréversibles dans sa vie. L’intervenant doit donc accorder une grande importance à ces premiers mois de vie pour connaitre davantage son animal et l’accompagner adéquatement tout au long de son développement.

De la naissance à la socialisation

  • La période néonatale : de 0 à 13 jours

Le chiot…

    • Nait aveugle et sourd;
    • Rampe en fouillant du museau pour trouver la mamelle (rooting reflex);
    • Boit de 7 à 8 fois par jour;
    • Se fait lécher son ventre et son périnée pour stimuler la miction et la défécation.
  • La période de transition : 13 à 21 jours

Le chiot…

  • Ouvre ses paupières si ce n’est pas déjà fait et sa vision s’améliore;
  • Devient plus autonome pour l’élimination;
  • Entend autour du 21e jour;
  • Sa première dent pousse;
  • Débute ses comportements sociaux.
  • La période de socialisation : 3 à 12 semaines (peut aller jusqu’à 16 semaines)

Le chiot…

  • Prend contact avec le monde extérieur;
  • Construit ses relations sociales;
  • S’identifie à son espèce;
  • Identifie les espèces amies (différentes espèces incluant l’humain);
  • Apprend les moyens de communication et les règles sociales de son espèce.

L’importance de la socialisation

Cette période d’apprentissages est la plus importante dans la vie du chiot; elle aura un impact irrévocable sur son avenir. Une socialisation efficace permettra à l’animal d’acquérir un meilleur équilibre mental et de bonnes capacités d’adaptation pour le reste de sa vie

En fait, lors de cette période, il y a ce que l’on appelle l’imprégnation, ce qui veut dire : « aspect de l’apprentissage se produisant chez un jeune animal à un âge où il est très sensible et où il est exposé à un stimulus très significatif. » Cette empreinte a un effet à long terme. Par exemple : l’attachement, l’identification à sa propre espèce, l’identification aux espèces amies, les relations sociales, les codes sociaux, etc.

Comme la socialisation se terminera entre la 12e et 16e semaine, il sera préférable pour l’intervenant en zoothérapie d’adopter le chiot dès la 8e semaine afin de poursuivre une socialisation adaptée, en vue de son futur métier. C’est alors qu’il sera exposé à une variété de situations, de milieux, d’objets et d’individus. Néanmoins, il faudra respecter son rythme d’apprentissage et s’assurer qu’il perçoit ces expériences comme positives même si elles sont de courte durée. Ce qui veut dire :

Exposer le chiot à différents…

  • Humains : Hommes, femmes, travailleurs, bébés, enfants, adolescents, adultes, personnes âgées, etc.;
  • Animaux : Chats, chiens, chevaux, rongeurs, etc.;
  • Lieux : Voitures, hôpitaux, centre de personnes âgées, écoles, centres d’hébergement, centres commerciaux, maisons, cliniques vétérinaires, escaliers, bateaux, boulevards, stationnements, rues, ruelles, forêts, etc.;
  • Objets : Chaises roulantes, poussettes, parapluies, cannes, paniers d’épicerie, voitures, motos, vélos, patins, planches à roulettes, cages, laisses, harnais, colliers, etc.;
  • Bruits : Vent, pluie, tonnerre, feux d’artifice, sonnette de porte, bruit d’une cour d’école, pleurs d’enfants, bruits soudains, etc.;

À éviter

  • Le mettre dans des situations de stress élevé;
  • Ne pas se faire rassurant;
  • Ne pas respecter son rythme d’apprentissage;
  • Lui faire vivre des expériences négatives;
  • Avoir des attentes trop élevées;
  • Le mettre en danger.

(Dehasse, 2009)

Une insuffisance de la socialisation ou un traumatisme vécu pendant cette période pourrait occasionner des réactions nuisibles en intervention, telles que:

  • Peur de certains types d’humains (de couleur, à chapeau, à barbe, à lunette, enfant, etc.);
  • Peur de certaines espèces animales ou races de chiens présentes en intervention;
  • Peur de certains lieux (escaliers, ascenseurs, planchers luisants, longs couloirs, etc.);
  • Prédation envers certaines espèces présentes en intervention (chat, rongeurs, oiseaux, etc.);
  • Manque d’autocontrôle (mouvements exagérés, bousculades, morsures, etc.).

(Overall, 2013)

Enrichissement et stimulation du chiot

Pour ces chiots, un environnement stimulant où ils auront la possibilité de rencontrer des congénères canins équilibrés devient un incontournable afin de développer leurs compétences sociales au maximum à travers le jeu. Selon Dr Brown (2008), le jeu favorise nettement le développement des capacités d’adaptation et de résolution de problèmes chez les animaux. C’est pourquoi le jeu intra et inter espèce est exploité avec nos chiots, futurs partenaires en zoothérapie. Des séances de jeu sont organisées ou suggérées avec une personne qualifiée pouvant superviser les interactions afin que celles-ci soient équilibrées et positives pour chacun, ceci dans le but d’encourager les plus craintifs à explorer et les plus fonceurs à se contrôler.

De plus, une zone de stimulation avec différents objets, textures, effets visuels et bruits est aménagée pour que le jeune chien puisse s’y familiariser à son rythme et aux côtés de son humain. Ce dernier est ensuite encouragé à amener son petit compagnon dans les différents contextes énumérés plus haut. Déjà à ce moment, les réactions de l’animal peuvent indiquer au propriétaire des points à prioriser davantage comme la peur d’un objet en mouvement. Il doit être accompagné dans la démarche, car passé la période de socialisation, l’intervenant devra, le cas échéant, employer différentes techniques d’apprentissage, dont la désensibilisation.

La 6e semaine : une étape qui doit être considérée!  

L’accès à la mère et au reste de la portée est primordial pour le chiot, lequel devra se trouver en présence de sa famille canine durant 8 semaines minimum. À cet effet, la sixième semaine demeure très importante, car entre le 42e et le 49e jour, un attachement prononcé à la portée et à l’environnement est signalé. Si les chiots sont déplacés ou séparés de la portée à ce moment, cela peut entrainer une déstabilisation sévère et des conséquences négatives sur leur développement. Un stress vécu à cet âge peut affecter la capacité d’apprentissage du chiot.

Il est donc important de ne pas effectuer de séparation avant ou en même temps que le sevrage. Une corrélation a été établie entre la séparation précoce, soit avant l’âge de 6 semaines, et l’apparition des comportements suivants :

    • Souillures dans la maison (difficulté d’acquisition à la propreté);
    • Aboiements excessifs;
    • Réactivité sonore;
    • Possessivité autour des jouets;
    • Recherche constante d’attention;
    • Risque élevé pour des comportements destructeurs.

Overall (2013)

Période juvénile et pubertaire

À la suite de la période de socialisation, les périodes juvénile et pubertaire suivront et apporteront leur lot de changements autant sur le plan physique que sur le plan psychologique de l’animal. Avec le chavirement hormonal, certains comportements qui étaient jusqu’alors dissimulés apparaitront. Certaines de ces manifestations, selon leur intensité, confirmeront ou non la possibilité d’acquérir le statut de chien de zoothérapie. Il est conseillé, à ce moment, de maintenir le cadre d’apprentissage déjà établi et de demeurer patient jusqu’à la maturité de celui-ci.

Éducation

Dès l’adoption, il est recommandé de commencer les apprentissages. Il peut s’agir des commandes de base inévitables favorisant la cohabitation humain-chien, telles que : assis, couche, viens, reste, attends, place, regarde, stop, etc. Le plus important est la méthode qui sera employée pour enseigner ces commandes à l’animal. Pour construire une relation de confiance mutuelle où la nature de l’animal est favorisée, il devient indispensable de renforcer abondamment les comportements souhaités. Les séances d’apprentissage doivent être réalisées dans une atmosphère agréable où chacun y trouve son compte. Cela implique de courtes séances où la relation est renforcée dans une dynamique de gagnant-gagnant. Sachant que le chien vit aux côtés de l’homme depuis des milliers d’années et qu’il a appris à décoder sa communication non verbale, retenons que la tension et la rigidité chez l’humain conduisent à l’évitement ou à la confusion chez le chien alors que l’authenticité et le sourire sont des atouts clairs et invitants.

Demeurer réaliste quant aux capacités de l’animal  

Lorsque nous investissons du temps et de l’argent, il arrive que nos attentes soient plus grandes face aux capacités de l’autre, en l’occurrence ici, de notre partenaire à quatre pattes. Parfois, il devient nécessaire d’accepter cette réalité, à savoir que notre animal n’est pas le bon candidat pour travailler comme partenaire d’intervention. Aller à l’encontre de sa nature entraverait son bien-être physique et psychologique. Une réalité dont nous devons prendre conscience avant même d’adopter un chiot. Qu’adviendra-t-il si ce chiot ne devient jamais ce partenaire de zoothérapie tant escompté? Inutile de vous dire que mon idée là-dessus est bien claire! Cet animal doit d’abord être un chien de famille pour lequel nous nous engageons toute sa vie durant comme nous le ferions pour notre enfant. N’est-il pas notre devoir, en tant qu’aidant, de soutenir et de respecter l’autre dans ses différences?

Cette chronique a fait l’objet d’une première publication dans la Revue Pattes Libres, Vol. 4, No. 3, Automne 2016. 
Lien de téléchargement: https://drive.google.com/file/d/0B1lUyxMvIaKwUjVFYTdHZVVqV1E/view

 

2018-01-09T15:34:44+00:00