Le bien-être de nos animaux partenaires d’interventions en zoothérapie

Le bien-être de nos animaux partenaires d’interventions en zoothérapie

Depuis le début de ma pratique en tant qu’intervenante en zoothérapie, il y a quelques années déjà, plusieurs m’ont signifié leur admiration face à cette profession dédiée au mieux-être des humains. Le fait d’apporter soutien et réconfort aux gens en besoin est de plus en plus reconnu. Il devient même gratifiant de pratiquer dans ce domaine. Aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours souhaité contribuer à l’amélioration de la condition de vie des personnes moins avantagées. Vu les résultats et les bénéfices obtenus pour mes clients et pour moi-même, cette modalité d’intervention est devenue rapidement un choix de carrière. Honnêtement, je l’ai souhaité d’abord pour moi et ensuite, pour l’autre : humain et animal. Cependant, je me suis toujours questionnée sur les gains réels pour mon chien, lors des séances de zoothérapie. Je me sentais partagée par l’envie d’améliorer le quotidien d’enfants en besoin, de travailler, au jour le jour, avec mon chien et de respecter son réel désir de me suivre dans cette aventure. Je me répétais : « Si je me soucie du mieux-être humain et animal, comment puis-je avoir la certitude que ce souhait est également partagé par mon compagnon canin? Comment savoir s’il y trouve son compte dans tout ça? »

À partir de ces questions, mes valeurs comme la bienveillance, le partage et le respect étaient constamment ébranlés. Je me suis donc mise à questionner des intervenants comme moi, des experts du domaine animal, des gens de mon entourage… Cependant, les réponses, quand il y en avait, n’étaient pas concluantes ou claires comme je le souhaitais. Peut-être que je m’attendais à ce qu’on me dise : oui, ils le souhaitent ou non, ils ne sont pas bien là-dedans! Cela aurait été plus facile d’avoir une réponse nette qui m’éclaire davantage. Ce ne fut pas le cas, mais je n’ai jamais cessé d’enrichir ma réflexion sur le sujet, car la facilité n’a jamais été mon premier choix. Pour moi, il est important de connaitre les raisons qui orientent certains de nos choix, mais surtout qu’elles soient congruentes avec nos valeurs. C’est pourquoi j’aborderai, dans cette chronique, le bien-être de l’animal partenaire d’intervention en zoothérapie. Un sujet qui mérite qu’on s’y intéresse dès maintenant!

Tout d’abord, pour vous fervents défenseurs de la cause animale ou de la cause humaine, je commencerai par cette citation de Lamartine (1790 – 1869)[i] qui veut dire énormément: 

On n’a pas deux coeurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n’en a pas.

Devoirs et obligations pour l’intervenant en zoothérapie

Être intervenant en zoothérapie demande un cadre et une éthique professionnelle quant à nos responsabilités, plus précisément à l’égard des milieux d’intervention, de la clientèle, de nous-mêmes, en tant qu’intervenants, et de nos animaux partenaires. En ce sens, la Corporation des Zoothérapeuthes du Québec prévoit un code de déontologie pour la pratique. Pour ce qui est de nos devoirs et obligations reliées aux animaux, voici un des extraits qui m’interpelle :


Devoirs et obligations envers l’animal :

4.1 Le zoothérapeute doit veiller à la sécurité et au bien-être physique et émotionnel de tout animal partenaire d’intervention en zoothérapie.

Au niveau du code déontologie de la Corporation des Zoothérapeutes du Québec[ii]

Il est écrit :… veiller à la sécurité et au bien-être physique et émotionnel de…

S’il est de notre devoir de respecter ce point, comment pouvons-nous évaluer le bien-être?

  1. Qu’est-ce que le bien-être?
  2. Et comment l’évaluer?

Selon notre expérience, nos connaissances et notre ouverture sur le sujet, ce n’est pas si facile… Avouons-le!

Voici deux définitions qui peuvent nous orienter davantage :

Le bien-être :

  • « État agréable résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit. »[iii]

Le bien-être animal[iv] :

  • Il fait référence à « la qualité de vie telle qu’un animal individuel en fait l’expérience ». Le bien-être animal au sens large englobe non seulement la santé et le bien-être physique de l’animal, mais aussi son bien-être psychologique et la possibilité d’exprimer les comportements importants propres à son espèce. Le bien-être peut être décrit comme satisfaisant si les animaux sont en bonne santé physique et psychologique, se sentent bien et ne souffrent pas…

Le concept de bien-être chez les animaux regroupe trois éléments[v] :

  1. Le fonctionnement adéquat de l’organisme (ce qui suppose, entre autres, que les animaux soient sains et bien alimentés).
  2. Un état émotionnel adéquat de l’animal (en particulier l’absence d’émotions négatives comme la douleur ou la peur chronique).
  3. La possibilité d’exprimer certains comportements normaux propres à l’espèce.

De surcroît, l’Europe a commencé à établir des points de repère sur les droits des animaux dès 1992, et depuis, les mentalités ne cessent d’évoluer grâce au travail d’organismes comme le Farm Animal Welware Council (FAWC), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’International Association of Human-Animal Interaction Organisation (IAHAIO).

Voici les cinq Libertés FONDAMENTALES permettant de favoriser leur bien-être [vi]:

  1. Ne pas souffrir de la faim ou de la soif.
  2. Ne pas souffrir d’inconfort.
  3. Ne pas souffrir de douleurs, de blessures ou de maladies.
  4. Pouvoir exprimer les comportements naturels propres à l’espèce.
  5. Ne pas éprouver de peur ou de détresse.

Bien qu’il ne fasse pas l’unanimité, le souci du bien-être animal est de plus en plus considéré. Évidemment, les animaux sont au service de l’homme depuis des décennies, donc revoir cette perspective sous un angle différent peut devenir parfois déconcertant et inhabituel pour certains… De mon côté, je crois que cette évolution est plus que nécessaire.

Stress et stratégies d’adaptation au service du bien-être

 Afin de poursuivre en ce sens, n’oublions pas les facteurs pouvant l’entraver tel que le stress vécut par l’animal en contexte d’intervention, car même si nous ne pouvons pas le protéger complètement de cet état, nous devons au moins le reconnaître pour l’évaluer dans le but de le diminuer minimalement. D’ailleurs, il est faux de croire que la présence du stress est néfaste à tous les coups. Néanmoins, un trop haut niveau de stress sur une longue période peut certainement le devenir. C’est pourquoi il devient important de le mesurer.

D’accord! Mais… qu’est-ce que le stress?

 À proprement dit, il représente une tension ou une contrainte soumise à l’organisme et causée par un stimulus physique, psychique ou émotionnel entrainant un déséquilibre devant être compensé par un mécanisme d’adaptation[vii].

Lorsque nous parlons de mécanisme d’adaptation, nous pouvons nous référer, entre autres, aux différents mécanismes de défense chez l’être humain comme le déni ou la projection. Ceux-ci servent à éviter d’être submergé par des émotions douloureuses qui proviennent d’une réaction inconsciente dans un but de protection afin de retrouver un équilibre interne[viii]. Il s’agit, en quelque sorte, d’un processus de survie.

D’ailleurs, chez les animaux comme le chien, nous pouvons parler de stratégies d’adaptation face au stress. Elles jouent également un rôle de protection et de survie de l’espèce.

Voici les stratégies le plus souvent observées chez nos chiens :

  • Immobilisation
  • Fuite / évitement
  • Fonce
  • Activité de substitution (tout autre comportement non justifié selon le contexte et exprimé par l’animal comme se gratter, renifler au sol, etc.)

Les indicateurs du stress

Selon la situation, le choix de la stratégie permettra généralement à l’animal de s’adapter à celle-ci. En zoothérapie, l’individu à quatre pattes doit avoir de bonnes prédispositions pour s’autoréguler en toute circonstance : nouveaux milieux, nouvelles personnes, nouvelles interactions, etc. Donc, ces changements et cette diversité génèrent, comme chez l’humain, du stress à différents degrés. S’il est incapable de s’adapter et de réduire son stress, sa qualité de vie est donc diminuée. Pour être capable de reconnaître le stress, voici quelques indicateurs[ix], pour la plupart observable :

  • Augmentation du taux de cortisol
  • Perte de poils abondante
  • Apparition de pellicules sur le poil de l’animal
  • Élimination
  • Vocalisations (aboiements, gémissements, grognement, hurlement)
  • Hypersalivation
  • Dilatation des pupilles
  • Fuite ou figement
  • Destruction dans l’environnement
  • Troubles de l’appétit
  • Sécrétion des sucs gastriques (maux de ventre voire ulcères de l’estomac)
  • Halètement au repos
  • Accélération du rythme cardiaque
  • Perturbation du système immunitaire
  • Déclenchement de mécanismes de défense
  • Fatigue
  • Etc.

À quel moment les stimuli stressants sont-ils jugés trop sévères au point de compromettre le bien-être de l’animal?

C’est lorsque ce dernier n’arrive pas à s’adapter au contexte ou que le degré d’inconfort ressenti et la durée pendant laquelle il tente de s’adapter deviennent trop grands. Par exemple, ses stratégies d’adaptation interfèrent avec ses activités de la vie quotidienne puis qui compromettent des besoins de base comme manger et dormir. Pour nous orienter une fois de plus, nous devons accorder de l’importance à des facteurs comme ceux-ci :

  • La durée des séances
  • Le nombre de séances par semaine
  • Le changement d’environnement
  • La température de la pièce
  • Les interactions (non souhaitées, brusques, inappropriées, excessivement chargées en émotions, etc.)
  • Les exigences et les attentes
  • Les demandes à accomplir (jeux, tours, etc.)
  • Les bruits ambiants et les odeurs
  • Etc.

N’oublions pas que la douleur occasionne de l’inconfort et du stress. Donc, notre animal doit être en parfaite santé et exempt de douleur. Pour la repérer, nous devons affuter notre sens de l’observation, car le plus souvent, il la dissimule. Ceci, afin de ne pas démontrer sa vulnérabilité puis d’être considéré comme une proie facile dans l’environnement. Elle confère également un avantage de survie!

La douleur…

  • Implique une interprétation sensorielle de stimuli désagréables et dommageables pour l’organisme.
  • Crée une réaction motrice et peut entrainer une réponse modifiant les comportements spécifiques de l’espèce.

 

 Les indicateurs de la douleur chez le chien sont[x] :

  • Retrait, vocalisations, expressions faciales (hyperventilation, transpiration)
  • Piétinement, grattage, léchage, automutilation
  • Mouvements restreints, boiteries, aversion au contact
  • Peur
  • Anxiété, dépression, stress
  • Réponse aux analgésiques

L’absence de réactions ne veut pas dire absence de douleur, car c’est un signe de faiblesse face à un prédateur.

Stratégies préventives pour diminuer le stress chez notre partenaire d’intervention en zoothérapie

Bien évidemment, il devient essentiel de retirer notre animal de l’intervention s’il éprouve une grande difficulté à s’adapter à la réalité du travail ou s’il démontre des signes de douleurs quelconques. Ensuite, il est de notre responsabilité de le reconnaître, d’en trouver la cause puis d’apporter tous les soins dont il a besoin. À titre préventif, il revient à l’intervenant de mettre en place un cadre et une routine permettant de diminuer le stress du partenaire animal pour ainsi favoriser son bien-être. Pour établir un cadre préventif, je propose quelques stratégies :

  • Apprendre à bien gérer son propre stress.
  • Apprendre à refuser une interaction non souhaitée par votre animal.
  • Apprendre à reconnaitre ses signaux.
  • Éviter les multiples changements en intervention.
  • Instaurer une routine.
  • Aborder les changements avec bienveillance et réconfort auprès de lui.
  • Apporter tous les objets de confort nécessaires (coussin, cage, couverture, etc.).
  • Prévoir une zone de repos sécurisée.
  • Permettre des moments de plaisir, de loisir, de détente et de relaxation en dehors du travail.
  • Etc.

Temps et durée des séances

Puis, il y a la question qui revient souvent chez mes étudiants :

Si je considère tous ces éléments, combien de temps peuvent durer mes interventions et combien pourrai-je en faire par jour ou par semaine?

En tenant compte des indicateurs physiques et comportementaux reliés à leur bien-être, une étude et un sondage[xi] ont démontré les meilleurs scores pour ces données :

  • Durée des séances : 30 à 60 minutes par séance
  • Nombre de séances : 3 séances / semaine

Globalement, je propose des recommandations favorisant le bien-être des animaux partenaires d’intervention en zoothérapie telle que voici[xii] :

  • Ils doivent être bien socialisés aux humains et formés avec des techniques bienveillantes, telles que le renforcement positif.
  • Ils doivent être soigneusement évalués par un spécialiste en comportements tels que les vétérinaires et les comportementalistes.
  • Ils ne devraient jamais être impliqués de telle sorte que leur sécurité et leur confort soient compromis.
  • Les professionnels doivent comprendre les limites normales et spécifiques des animaux et les respecter.
  • Les intervenants et les professionnels travaillant avec des animaux devraient avoir reçu une formation sur les besoins et le bien-être des animaux, y compris la capacité à détecter les signes d’inconfort et de stress.

 

En plus, j’ai conçu des grilles réalistes comme soutien aux intervenants afin de faciliter l’évaluation du bien-être de leurs animaux dans une séance de zoothérapie, et ce, dans le but de simplifier la démarche et d’avoir des points de repère applicables à la réalité du travail. Ces grilles ont été l’objet de ma dernière conférence sur le bien-être qui a eu lieu à Québec en avril dernier. De cette façon, chaque intéressé pourra l’adapter selon sa réalité et en faire l’utilisation à des fins éthique soit, considérer véritablement notre animal au cœur de l’intervention!

Bref, mes discussions, mes partages, mes visions et mes réflexions se poursuivent et ne cesseront de l’être, sans aucun doute. Le bien-être est plus complexe que nous pourrions l’imaginer et il demande, à qui s’y intéresse, de l’ouverture, de l’autocritique, et bien évidemment du savoir, du savoir-faire et du SAVOIR-ÊTRE! Pour moi, il demeure évident que les échanges sur le sujet doivent être au centre de notre pratique, mais ils doivent se faire dans le non-jugement, le partage, le respect et la bienveillance de tous. Ceci afin de cheminer ensemble pour EUX; nos remarquables partenaires de travail à quatre pattes, qui sont toujours prêts à nous suivre, peu importe où nous allons…

Je terminerai en disant :

Permettons-leur d’ÊTRE et de RESTER ce qu’ils sont!

Cette chronique a fait l’objet d’une première publication dans la Revue Pattes Libres,Vol.6, No.2 – AUTOMNE 2018 – HIVER 2019, p.44-48
Lien de téléchargement: https://drive.google.com/file/d/11F455gnKpV0jy938oY6BGV27vkNefWhU/view

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RÉFÉRENCES

[i] Lenoir, F. (2018). Lettre ouverte aux animaux (et à ceux qui les aiment). France : Éditions Fayard.

[ii] Corporation des zoothérapeutes du Québec (2014). Code de déontologie. Repéré le 14 mars 2018 à http://corpozootherapeute.com/code-deontologie-czq.pdf

[iii] Larousse (2018). Définition du bien-être. Repéré le 2 avril 2018 à https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bien-%C3%AAtre/9159

[iv] Organisation mondiale de la santé animale (2011). Le bien-être animal. Repéré le 2 avril 2018 à http://www.oie.int/fr/bien-etre-animal/themes-principaux/

[v] Fraser D, Weary D M, Pajor E A and Milligan B N (1997). A scientific conception of animal welfare that reflects ethical concerns. Animal Welfare 6: 187-205.

[vi] Farm Animal Welfare Council (1993). Updates the five freedoms. Veterinary Record 17: 357. Second Report on Priorities for Research and Development in Farm Animal. Welfare. Londres : DEFRA.

[vii] CNTRL (2012). Le stress. Repéré le 2 avril 2018 à http://www.cnrtl.fr/definition/stress

[viii] Parent, N. (2012). La communication interpersonnelle au travail : Les attitudes et les habiletés essentielles. Montréal : Les Éditions Québécor

[ix] Cassoret, M. (2014). Cours AZCA – Éthologie appliquée (semaine 9-10). Document inédit. AZCA, Terrebonne.

[x] Cassoret, M. (2014). Cours AZCA – Éthologie appliquée (semaine 9-10). Document inédit. AZCA, Terrebonne.

[xi] Iannuzzi D., Rowan A.N. Ethical issues in animal-assisted therapy programs. Anthrozoös. 1991;4:154–163. doi: 10.2752/089279391787057116

[xii] International Association Human Animal Interaction Organisation (2014). Livre blanc de l’IAHAIO paper : Définitions concernant les Interventions sssistées par l’animal et les recommandations pour assurer le bien-être des animaux associés à ces activités. Repéré le 31 mars 2018 à http://iahaio.org/wp/wp-content/uploads/2017/05/iahaio-white-paper-2014-french.pdf

 

2019-01-05T23:25:18+00:00