L’histoire d’Aurélie

 

Des animaux et une enseignante significative dans le parcours d’une vie… Ceci est un hommage à une enseignante de cœur qui a su, tout au long de sa carrière, percevoir la valeur enfouie dans chacun de ses élèves.

L’histoire qui suit s’est déroulée il y a plus de trente ans.

L’HISTOIRE D’AURÉLIE

Aurélie vient tout juste d’avoir 10 ans. Nous sommes en janvier et, depuis le retour des vacances de Noël, Madame Marthe observe ses élèves et remarque des changements dans le comportement de la fillette. En fait, Aurélie ne fait jamais trop de bruits en classe. Ce n’est pas celle que l’on remarque, disons-le. Elle est toujours aussi discrète, mais là, elle marche la tête basse et reste seule pendant les récréations. D’habitude, elle est souriante et elle joue avec ses amies. Ses résultats scolaires ont chuté ces deux derniers mois.

La petite fille dégage de la gentillesse et une grande douceur face à son entourage. Elle aime apporter son aide et faire plaisir. Elle a tissé un bon lien de confiance avec son enseignante depuis le début de l’année, mais demeure effacée par rapport au reste de ses camarades.

Aurélie n’est plus la même…

Aujourd’hui, Madame Marthe remarque quelque chose de différent… En fait, lorsqu’elle présente le projet qui a pour thème « les membres de ma famille », Aurélie ouvre son pupitre et prend quelques minutes avant de le refermer avec une larme à l’œil. Elle décide donc de l’approcher doucement et lui demande ce qu’elle regardait dans son bureau. Alors l’élève l’ouvre à nouveau et lui pointe des photos, des images sur lesquelles on la voit en compagnie d’un chien blanc. D’un air triste, elle regarde Madame Marthe et lui dit que ce sont les derniers souvenirs de Flora, sa chienne. L’enseignante la questionne pour en savoir un peu plus, puis l’enfant finit par lui dire que son père a dû conduire l’animal à la SPA. Cette pratique d’abandon rapide était courante à cette époque. On ne cherchait pas nécessairement de solutions, on se débarrassait du problème. Il s’avère que Flora avait mordu le voisin à la main (morsure maintenue et avec plaie ouverte), l’été dernier pendant les vacances. À partir de là, sa mère redoutait qu’Aurélie se fasse mordre, elle aussi. C’est alors que la cloche qui annonce la récréation retentit…

Madame Marthe décida donc de prendre contact avec sa mère afin d’organiser une rencontre la semaine suivante. La mère était surprise de ce rendez-vous, car sa fille n’avait jamais été un problème à l’école. En fait, les parents n’avaient pas remarqué la tristesse de leur fille, tristesse engendrée par le départ soudain du chien. Ils ont donc conclu que, pour Aurélie, cet animal était plus qu’un chien. Flora, cette jeune Husky, était pour la fillette une amie, une confidente, une complice… et depuis, elle devait faire le deuil d’une perte non anticipée.

Au fond, Aurélie vivait ce manque dans la solitude, le chagrin et l’incompréhension sans que personne ne l’ait considérée avec importance. Par contre, Madame Marthe avait remarqué Aurélie comme personne ne l’avait fait auparavant. Ce qui les unissait l’une à l’autre était l’importance qu’elles accordaient toutes les deux aux animaux. Chacune avait compris que leur présence à nos côtés peut apporter une richesse inestimable; l’amour, l’amitié, la présence et le réconfort.

À partir de là, l’enseignante qui amenait ses petits rongeurs (hamster, gerbille et lapin) en classe depuis le début de l’année demanda à Aurélie d’en être dorénavant la responsable. Elle devait les nourrir, les abreuver, les nettoyer, les réconforter et les soigner. Elle pouvait donc rester après la classe pour s’en occuper et inviter une amie pour l’aider si elle le désirait. Madame Marthe restait généralement avec elle pour discuter, l’écouter et faire des liens entre les animaux, les humains et les apprentissages. Relier ces ingrédients clés rejoignait la fillette dans son monde d’enfant et favorisait leur transfert de ces liens dans sa vie quotidienne. Quelle richesse!

C’est à partir de là qu’Aurélie comprit que ce qu’elle vivait était important et valait la peine qu’on s’y intéresse. Elle méritait, comme les autres, d’avoir des responsabilités valorisantes et de vivre des moments de bonheur.

Cette simple initiative de l’enseignante a eu de merveilleuses répercussions dans la vie de l’enfant. La fillette a commencé à parler de plus en plus avec l’enseignante, à jouer aux récréations avec ses amies, à avoir confiance en elle et à s’investir dans ses apprentissages. Le fait qu’un réel lien de confiance entre Aurélie et son enseignante s’était tissé avait permis de répondre à son besoin affectif, de renforcer la base permettant à l’élève de s’élever par elle-même et de s’impliquer ensuite dans ses apprentissages.

Alors Aurélie, la fillette réservée s’est investie au point de faire grimper ses résultats scolaires et de finir son année parmi les meilleurs de la classe. Et vous savez pourquoi? Elle savait maintenant qu’elle avait, elle aussi, de la valeur.

Flora, la jeune chienne, aura permis à son professeur d’enseigner à Aurélie les bases fondamentales de la vie : l’amour, l’amitié, la responsabilité, l’empathie, la tristesse, le deuil, et puis l’espoir…

Madame Marthe, elle, a enseigné à Aurélie à faire confiance en la vie, car nous méritons tous de vivre des réussites.

Aujourd’hui, Aurélie a pris conscience de ses forces et répand le plus bel apprentissage que cette expérience lui a apporté : être à l’écoute de l’autre, lui apporter le soutien dont il a besoin, et surtout de l’amener vers sa réussite, car chacun mérite sa place. Que ce soit un humain ou un animal…

Merci Madame Marthe…

La suite de la richesse des animaux auprès des enfants suivra dans une prochaine chronique…

 

Cette chronique a fait l’objet d’une première publication dans la Revue Pattes Libres, Vol. 4, No. 3, Automne 2016. 
Lien de téléchargement: https://drive.google.com/file/d/11F455gnKpV0jy938oY6BGV27vkNefWhU/view

2018-01-09T15:46:17+00:00